Fabriques artistiques, lieux intermédiaires, espaces-projets, créations partagées… qui y a-t-il de commun entre ces expériences singulières menées en Languedoc-Roussillon ? Le 12 novembre 2013, à la Friche de Mimi, ARTfactories/Autre(s)pARTs encadrait un atelier de réflexion sur le sujet.

Tiré des performances présentées durant la matinée, le deuxième terme retenu par les architextes était “fabrique”. Une quinzaine de personnes en ont débattu dans le cadre de l’atelier n°3.

Pour en savoir plus sur les enjeux et les contraintes de cette journée, voir part.1

// Atelier n°3 //

Qu’est-ce qu’on fabrique ?

L’histoire de la Friche de Mimi est une illustration intéressante du mot « fabrique ». Ce lieu comporte des caractéristiques et des problématiques que l’on retrouve dans de nombreux autres. Et d’abord celle-ci : les 5 ou 6 compagnies fondatrices se sont regroupées autour d’un besoin commun : disposer d’un lieu de stockage et de travail.

Plus qu’un simple lieu de stockage

Sans remettre en question le fonctionnement interne de ces structures qui poursuivent par ailleurs leur propre activité plus ou moins de la même façon qu’auparavant, ce rapprochement les a obligées à s’organiser collectivement et à répondre à des demandes que ce rapprochement suscitait (notamment d’utilisation de leur salle de travail/représentation). En somme, à prendre acte qu’ils étaient devenus, ensemble, un acteur supplémentaire de la vie culturelle et locale. Pour preuve depuis deux ans : la mise en place des Jours de friche, une ouverture du lieu aux habitants du quartier. Cette nouvelle réalité a remis en perspective le parcours habituellement suivi par une compagnie (monter une association > trouver un lieu > créer un spectacle > le diffuser > se faire reconnaître > bénéficier de subventions). De manière plus générale, la création et l’implication dans ce lieu ont interrogé ses membres sur l’organisation et le mode de fonctionnement du secteur culturel. Qu’est-ce qu’on fabrique ensemble ? Certainement plus que le simple partage d’un espace de stockage !

Un outil de production intermédiaire

Un tel lieu reste néanmoins, d’abord, un outil de production. Et il en manque terriblement, en Languedoc-Roussillon comme ailleurs en France, de ces espaces de travail où il est possible d’inventer des formes et des formats, en bénéficiant du temps nécessaire à l’expérimentation. Sans cela, les artistes sont destinés à reproduire plutôt qu’à créer. La majorité des initiatives présentées durant cette journée sont nées en réaction à cette situation et défendent un droit à l’expérimentation.

Sylvie, représentante de la Briqueterie, expliquait durant cet atelier que ce lieu situé à Amiens accueille régulièrement des artistes dont les projets ne sont pas encore formalisés, chose non envisageable au sein d’une institution culturelle dont le fonctionnement s’apparente à celui des administrations publiques. Or le temps des artistes n’est pas celui des administrations qui les finance. Pour cette raison, des structures comme la Briqueterie, la Friche de Mimi, La Krèche à Mauguio-Carnon ou le 232U à Aulnoye-Aymeries, pour ne citer que celles représentées dans cet atelier, sont des lieux intermédiaires.Dans une perspective identique, quoi que sans lieu physique, des expériences comme celle menée par l’association Teuf-teuf, promeuvent une action itinérante développée à l’échelle d’un territoire et de ses habitants, à même l’espace public.

Si les espaces-projets sont des lieux où se fabrique quelque chose de singulier, il leur manque souvent des outils pour faire comprendre ce qu’ils fabriquent.

Dispositif et reconnaissance institutionnelle

Laurie Blazy, “architexte” de cet atelier, en distinguait deux principaux. Le premier type d’outil devrait servir de médiateur auprès des institutions publiques. La Mission NTA, dispositif hébergé à l’Institut des Villes de 2002 à 2010, exerçait ainsi à la fois une action de consolidation d’un réseau de lieux jusqu’alors peu liés les uns aux autres sinon par des points communs et quelques affinités, et une action de lobbying auprès de l’État et des collectivités en charge des politiques publiques. L’absence de ce type d’outil fragilise l’ensemble des lieux qui n’ont plus aujourd’hui les moyens de faire valoir qu’ils forment un mouvement de société.

Se constituer en réseau

Second type d’outil : le réseau, la fédération, souvent complété d’un centre de ressources. Grâce à lui, les acteurs disposent d’un espace où rassembler leurs réflexions, leurs expériences, leurs inventions et sortir ainsi du sentiment d’isolement qui bride souvent l’action de ces lieux. L’outil ressource est avant tout un espace d’échange et de mise en commun. Questions : quoi mettre en commun ? qui organise l’échange et la mise en commun ? Communiquer ses actions à travers une liste de diffusion ouverte ne demande pas trop d’efforts et peut être un début de mise en commun. Mais cette démarche est-elle pertinente pour des lieux ou des structures qui proposent bien plus que des dates et des spectacles ? Au motif que ces espaces-projets « créent du processus » selon l’expression d’un participant, il importerait de mettre en commun les cheminements propres à chaque lieu, d’en produire et diffuser les récits singuliers.

Autre sujet de discussion à propos de l’outil ressource : son animation. Faut-il miser sur l’engagement de chacun ou faire appel à une tierce personne (souvent nommé coordinateur/trice) ? Si les intérêts défendus par le réseau sont profondément partagés, s’il permet par ailleurs d’accéder aux instances de décision, il est alors permis de penser que les membres se sentiront partie prenante du réseau et qu’ils chercheront à le faire vivre, le cas échéant en s’appuyant sur un/e coordinateur/trice. Mais il faut pour cela veiller à ce que les intérêts défendus soient constamment réévalués pour s’ajuster aux réalités des membres. Aussi évident que cela paraisse, un réseau s’appuie sur ses membres et non l’inverse.

Synthèse réalisée par Sébastien Gazeau pour ARTfactories/Autre(s)pARTs

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